Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/161

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— Mais, non ! ce n’est pas vrai ! Où suis-je donc ? fit-elle comme si elle se fût crue le jouet d’un songe. Comment, vous, étant ce que vous êtes, avez-vous pu vous résoudre à cela ?… Mais pourquoi ?

— Eh bien, pour voler ! Cesse, Sonia ! répondit-il d’un air las et quelque peu agacé.

Sonia resta stupéfaite ; mais tout à coup un cri lui échappa :

— Tu avais faim ?… C’était pour venir en aide à ta mère ? Oui ?

— Non, Sonia, non, balbutia-t-il en baissant la tête, — je n’étais pas dans un tel dénûment… je voulais en effet aider ma mère, mais… ce n’est pas cela non plus qui est la vraie raison… ne me tourmente pas, Sonia !

La jeune fille frappa ses mains l’une contre l’autre.

— Se peut-il donc que tout cela soit réel ? Seigneur, est-ce possible ? Quel moyen de le croire ? Comment ! vous avez tué pour voler, vous qui vous dépouillez de tout en faveur des autres ! Ah !… s’écria-t-elle soudain : — cet argent que vous avez donné à Catherine Ivanovna… cet argent… Seigneur, se pourrait-il que cet argent…

— Non, Sonia, interrompit-il vivement, cet argent ne vient pas de là, rassure-toi. C’est ma mère qui me l’a envoyé pendant que j’étais malade, par l’entremise d’un marchand, et je venais de le recevoir quand je l’ai donné… Razoumikhine l’a vu… il en a même pris livraison pour moi… Cet argent était bien ma propriété.

Sonia écoutait perplexe et s’efforçait de comprendre.

— Quant à l’argent de la vieille… du reste, je ne sais même pas s’il y avait là de l’argent, ajouta-t-il avec hésitation, — j’ai détaché de son cou une bourse en peau de chamois qui paraissait bien garnie… Mais je n’en ai pas vérifié le contenu, sans doute parce que je n’ai pas eu le temps… J’ai pris différentes choses, des boutons de manchettes, des