Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/174

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enfants et les fait pleurer. Elle apprend la « Petite Ferme » à Léna, en même temps elle donne des leçons de danse au petit garçon ainsi qu’à Pauline Mikhaïlovna. Elle massacre leurs vêtements pour en faire des costumes de saltimbanques ; à défaut d’instrument de musique, elle veut emporter une cuvette sur laquelle elle frappera… Elle ne souffre aucune observation… Vous ne pouvez pas vous imaginer cela !

Lébéziatnikoff aurait parlé longtemps encore, mais Sonia, qui l’avait écouté en respirant à peine, prit tout à coup son chapeau et sa mantille, puis s’élança hors de la chambre. Elle s’habilla tout en marchant. Les deux jeunes gens sortirent après elle.

— Elle est positivement folle ! dit André Séménovitch à Raskolnikoff. — Pour ne pas effrayer Sophie Séménovna, j’ai dit seulement qu’elle en avait l’air ; mais le doute n’est plus possible. Il paraît que chez les phtisiques il se forme des tubercules dans le cerveau ; c’est dommage que je ne sache pas la médecine. J’ai, du reste, essayé de convaincre Catherine Ivanovna, mais elle n’écoute rien.

— Vous lui avez parlé de tubercules ?

— C’est-à-dire, pas précisément de tubercules. D’abord, elle n’y aurait rien compris. Mais voici ce que je dis : si, à l’aide de la logique, vous persuadez à quelqu’un qu’au fond il n’a pas lieu de pleurer, il ne pleurera plus. C’est clair. Pourquoi continuerait-il à pleurer, selon vous ?

— S’il en était ainsi, la vie serait trop facile, répondit Raskolnikoff.

Arrivé devant sa demeure, il salua Lébéziatnikoff d’un signe de tête et rentra chez lui.

Quand il fut dans sa chambrette, Raskolnikoff se demanda pourquoi il y était revenu. Ses yeux considéraient la tapisserie jaunâtre et délabrée, la poussière, le divan qui lui servait de lit… De la cour arrivait sans cesse un bruit sec, semblable à celui du marteau : enfonçait-on des clous