Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/200

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cette vieille femme ? Eh bien ! sache qu’on a découvert le meurtrier, il s’est reconnu coupable et a fourni toutes les preuves à l’appui de ses dires. C’est, figure-toi, un de ces peintres dont j’avais pris si chaudement la défense ! Le croiras-tu ? la poursuite des deux ouvriers courant l’un après l’autre dans l’escalier pendant que montaient le dvornik et les deux témoins, les gourmades qu’ils s’administraient en riant, tout cela n’était qu’un truc imaginé par l’assassin pour détourner les soupçons ! Quelle astuce, quelle présence d’esprit chez ce drôle ! On a peine à y croire, mais il a lui-même tout expliqué, il a fait les aveux les plus complets. Et comme je m’étais fourvoyé ! Eh bien, à mon avis, cet homme est le génie de la dissimulation et de la ruse, — après cela il ne faut s’étonner de rien ! Est-ce qu’il ne peut pas y avoir de pareilles gens ? S’il n’a pas soutenu son rôle jusqu’au bout, s’il est entré dans la voie des aveux, je n’en suis que plus porté à admettre la vérité de ce qu’il dit. Cela rend la chose plus vraisemblable… Mais m’étais-je assez mis le doigt dans l’œil ! En ai-je rompu, des lances, en faveur de ces deux hommes-là !

— Dis-moi, je te prie : comment as-tu appris cela, et pourquoi cette affaire t’intéresse-t-elle tant ? demanda Raskolnikoff visiblement agité.

— Pourquoi elle m’intéresse ? Voilà une question !… Quant aux faits, je les tiens de plusieurs personnes, notamment de Porphyre. C’est lui qui m’a presque tout appris.

— Porphyre ?

— Oui.

— Eh bien… qu’est-ce qu’il t’a dit ? demanda Raskolnikoff inquiet.

— Il m’a expliqué cela à merveille, en procédant par la méthode psychologique, selon son habitude.

— Il t’a expliqué cela ? Lui-même ?

— Lui-même, lui-même ; adieu ! Plus tard je te dirai