Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/201

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encore quelque chose, mais maintenant je suis forcé de te quitter… Il y a eu un temps où j’ai pensé… Allons, je te raconterai cela un autre jour !… Qu’ai-je besoin de boire à présent ? Tes paroles ont suffi pour m’enivrer. En ce moment, Rodka, je suis ivre, ivre sans avoir bu une goutte de vin… Adieu, à bientôt !

Il sortit.

« C’est un conspirateur politique, cela est positif, positif ! » conclut définitivement Razoumikhine, tandis qu’il descendait l’escalier. « Et il a entraîné sa sœur dans son entreprise ; cette conjecture est très-probable, étant donné le caractère d’Avdotia Romanovna. Ils ont eu des entretiens… Elle m’avait déjà laissé supposer, d’après certaines paroles… Maintenant je comprends à quoi se rapportaient ces petits mots… ces allusions… Oui, c’est bien cela ! D’ailleurs, où trouver une autre explication de ce mystère ? Hum ! Et il m’était venu à l’esprit… Ô Seigneur ! que m’étais-je imaginé ! Oui, j’ai eu une défaillance de jugement, et je me suis rendu coupable envers lui ! L’autre soir, dans le corridor, en considérant son visage éclairé par la lumière de la lampe, j’ai eu une minute d’égarement. Pouah ! quelle horrible idée j’ai pu concevoir ! Mikolka a joliment bien fait d’avouer !… Oui, à présent, tout le passé s’explique : la maladie de Rodion, l’étrangeté de sa conduite, cette humeur sombre et farouche qu’il manifestait déjà au temps où il était étudiant… Mais que signifie cette lettre ? D’où vient-elle ? Il y a encore là quelque chose. Je soupçonne… Hum… Non, j’aurai le fin mot de tout cela. »

À la pensée de Dounetchka, il sentait son cœur se glacer et restait comme cloué à sa place. Il dut faire un violent effort sur lui-même pour continuer sa marche.

Aussitôt après le départ de Razoumikhine, Raskolnikoff se leva ; il s’approcha de la fenêtre, puis se promena d’un coin à l’autre, paraissant avoir oublié les dimensions exiguës de