Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/213

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moment. Sans doute je vous ferai arrêter, — j’étais venu pour vous en donner avis, — et pourtant je n’hésite pas à vous déclarer que cela ne me servira à rien. Le second objet de ma visite…

— Eh bien, quel est-il ? fit Raskolnikoff haletant.

— … Je vous l’ai déjà appris. Je tenais à vous expliquer ma conduite, ne voulant point passer à vos yeux pour un monstre, alors surtout que je suis des mieux disposés en votre faveur, que vous le croyiez ou non. Vu l’intérêt que je vous porte, je vous engage franchement à aller vous dénoncer. J’étais encore venu pour vous donner ce conseil. C’est de beaucoup le parti le plus avantageux que vous puissiez prendre, et pour vous et pour moi, qui serai ainsi débarrassé de cette affaire. Eh bien, suis-je assez franc ?

Raskolnikoff réfléchit une minute.

— Écoutez, Porphyre Pétrovitch : d’après vos propres paroles, vous n’avez contre moi que de la psychologie, et cependant vous aspirez à l’évidence mathématique. Qui vous dit qu’actuellement vous ne vous trompez pas ?

— Non, Rodion Romanovitch, je ne me trompe pas. J’ai une preuve. Cette preuve, je l’ai trouvée l’autre jour : Dieu me l’a envoyée !

— Quelle est-elle ?

— Je ne vous le dirai pas, Rodion Romanovitch. Mais en tout cas, maintenant, je n’ai plus le droit de temporiser ; je vais vous faire arrêter. Ainsi jugez : quelque résolution que vous preniez, à présent peu m’importe ; tout ce que je vous en dis, c’est donc uniquement dans votre intérêt. La meilleure solution est celle que je vous indique, soyez-en sûr, Rodion Romanovitch !

Raskolnikoff eut un sourire de colère.

— Votre langage est plus que ridicule, il est impudent. Voyons : à supposer que je sois coupable (ce que je ne reconnais nullement), pourquoi irais-je me dénoncer,