Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/264

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ture. Elle s’endormit aussitôt. Ayant tout fini, Svidrigaïloff retomba dans ses pensées moroses.

« De quoi me mêlé-je encore ! » se dit-il avec un sentiment de colère. — « Quelle bêtise ! » Dans son irritation, il prit la bougie pour se mettre à la recherche du garçon et quitter au plus tôt l’hôtel. « Peuh, une gamine ! » fit-il en lâchant un juron au moment où il ouvrait la porte, mais il se retourna pour jeter un dernier coup d’œil sur la petite fille, s’assurer si elle dormait et comment elle dormait. Il souleva avec précaution la couverture qui cachait la tête. L’enfant dormait d’un profond sommeil. Elle s’était réchauffée dans le lit, et ses joues pâles avaient déjà repris des couleurs. Toutefois, chose étrange, l’incarnat de son teint était beaucoup plus vif que celui qui se remarque à l’état normal chez les enfants. « C’est la rougeur de la fièvre », pensa Svidrigaïloff. On aurait dit qu’elle avait bu. Ses lèvres purpurines paraissaient brûlantes. Soudain il croit voir cligner légèrement les longs cils noirs de la petite dormeuse ; sous les paupières mi-closes se laisse deviner un jeu de prunelle malicieux, sournois, nullement enfantin. La fillette ne dormirait-elle pas et ferait-elle semblant de dormir ? En effet, ses lèvres sourient, leurs extrémités frémissent comme quand on étouffe une envie de rire. Mais voilà qu’elle cesse de se contraindre, elle rit franchement ; quelque chose d’effronté, de provocant, rayonne sur ce visage qui n’a plus rien de l’enfance ; c’est le visage d’une prostituée, d’une cocotte française. Voilà que les deux yeux s’ouvrent tout grands : ils enveloppent Svidrigaïloff d’un regard lascif et passionné, ils l’appellent, ils rient… Rien de répugnant comme cette figure enfantine dont tous les traits respirent la luxure. « Quoi ! à cinq ans ! » murmure-t-il en proie à une véritable épouvante : « est-ce possible ? » Mais voilà qu’elle tourne vers lui son visage enflammé, elle lui tend les bras… « Ah ! maudite ! » s’écrie avec horreur Svidri-