Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/286

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débuts, n’a pas mené plus ou moins la vie de bohème ? Ma femme et moi, nous estimons l’un et l’autre la littérature ; mais, chez ma femme, c’est une passion ! Elle raffole des lettres et des arts !… Sauf la naissance, tout le reste peut s’acquérir par le talent, le savoir l’intelligence, le génie ! Un chapeau, par exemple, qu’est-ce que cela signifie ? Un chapeau est une galette, je l’achète chez Zimmermann ; mais ce qui s’abrite sous le chapeau, cela, je ne l’achète pas !… J’avoue que je voulais même me rendre chez vous pour vous fournir des explications ; mais j’ai pensé que peut-être vous… Avec tout cela je ne vous demande pas quel est l’objet de votre visite. Il paraît que votre famille est maintenant à Pétersbourg ?

— Oui, ma mère et ma sœur.

— J’ai même eu l’honneur et le plaisir de rencontrer votre sœur, — c’est une personne aussi charmante que distinguée. Vraiment, je déplore de tout mon cœur l’altercation que nous avons eue ensemble autrefois. Quant aux conjectures fondées sur votre évanouissement, on en a reconnu, depuis, l’éclatante fausseté. Je comprends l’indignation que vous en avez ressentie. À présent que votre famille habite Pétersbourg, vous allez peut-être changer de logement ?

— N-non, pas pour le moment. J’étais venu demander… je croyais trouver ici Zamétoff.

— Ah ! c’est vrai ! vous vous étiez lié avec lui ; je l’ai entendu dire. Eh bien, Zamétoff n’est plus chez nous. Oui, nous avons perdu Alexandre Grigoriévitch ! Il nous a quittés depuis hier ; il y a même eu, avant son départ, un échange de gros mots entre lui et nous… C’est un petit galopin sans consistance, rien de plus ; il avait donné quelques espérances, mais il a eu le malheur de fréquenter notre brillante jeunesse, et il s’est mis en tête de passer des examens pour pouvoir faire de l’embarras et trancher du savant. Bien entendu, Zamétoff n’a rien de commun avec vous, par