Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/40

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cet avantage de savoir au juste ce qu’il faut traduire. Nous serons à la fois traducteurs, éditeurs et professeurs. Maintenant, je puis être utile, parce que j’ai de l’expérience. Voilà bientôt deux ans que je suis fourré chez les libraires, je sais le fond et le tréfond du métier : ce n’est pas la mer à boire, croyez-le bien ! Quand l’occasion s’offre de gagner quelque chose, pourquoi n’en pas profiter ? Je pourrais citer deux ou trois livres étrangers dont la publication serait une affaire d’or. Si je les indiquais à l’un de nos éditeurs, rien que pour cela je devrais toucher quelque cinq cents roubles, mais pas de danger que je les leur signale ! D’ailleurs, ils seraient encore capables d’hésiter, les imbéciles ! Quant à la partie matérielle de l’entreprise : impression, papier, vente, vous m’en chargerez ! cela me connaît ! Nous commencerons modestement, peu à peu nous nous organiserons sur un plus grand pied, et, en tout cas, nous sommes sûrs de nouer les deux bouts.

Dounia avait les yeux brillants.

— Ce que vous proposez me plaît beaucoup, Dmitri Prokofitch, dit-elle.

— Moi, naturellement, je n’y entends rien, ajouta Pulchérie Alexandrovna, — cela est peut-être bon, Dieu le sait. Sans doute, nous sommes forcées de rester ici au moins pendant un certain temps… acheva-t-elle en jetant les yeux sur son fils.

— Qu’en penses-tu, mon frère ? demanda Dounia.

— Je trouve son idée excellente, répondit Raskolnikoff. Bien entendu, on n’improvise pas du jour au lendemain une grande maison de librairie ; mais il y a cinq ou six livres dont le succès serait assuré. Moi-même j’en connais un qui se vendrait certainement. D’un autre côté, vous pouvez avoir toute confiance dans les capacités de Razoumikhine, il sait son affaire… Du reste, vous avez encore le temps de reparler de cela…