Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/41

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— Hurrah ! cria Razoumikhine : — maintenant, attendez, il y a ici, dans cette même maison, un appartement tout à fait distinct et indépendant du local où se trouvent ces chambres ; il ne coûte pas cher, et il est meublé… trois petites pièces. Je vous conseille de le louer. Vous serez là très-bien, d’autant plus que vous pourrez vivre tous ensemble, avoir Rodia avec vous… Mais où vas-tu donc, Rodia ?

— Comment, Rodia, tu t’en vas déjà ? demanda avec inquiétude Pulchérie Alexandrovna.

— Dans un pareil moment ! cria Razoumikhine.

Dounia regarda son frère avec surprise et défiance. Il avait sa casquette à la main, se préparant à sortir.

— On dirait vraiment qu’il s’agit d’une séparation éternelle ! Voyons, vous ne m’enterrez pas ! dit-il d’un air étrange.

Il souriait, mais de quel sourire !

— Après tout, qui sait ? c’est peut-être la dernière fois que nous nous voyons, ajouta-t-il tout d’un coup.

Ces mots jaillirent spontanément de ses lèvres.

— Mais qu’est-ce que tu as ? fit anxieusement la mère.

— Où vas-tu, Rodia ? demanda Dounia, qui mit dans cette question un accent particulier.

— Il faut que je m’en aille, répondit-il. Sa voix était hésitante, mais son visage pâle exprimait une résolution bien arrêtée.

— Je voulais dire… en venant ici… je voulais vous dire, maman, et te dire aussi, Dounia, que nous ferions mieux de nous séparer pour quelque temps. Je ne me sens pas bien, j’ai besoin de repos… je viendrai plus tard, je viendrai moi-même quand… ce sera possible. Je garderai votre souvenir et je vous aimerai… Laissez-moi ! Laissez-moi seul ! C’était déjà mon intention auparavant… Ma résolution à cet égard est irrévocable… Quoi qu’il advienne de moi, perdu ou non, je veux être seul. Oubliez-moi complètement. Cela vaut