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Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/66

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s’était offerte à son esprit au moment où il était le plus inquiet.

En réfléchissant à tout cela et en se préparant à une nouvelle lutte, Raskolnikoff s’aperçut tout à coup qu’il tremblait, — et il s’indigna même à la pensée que c’était la peur d’une entrevue avec l’odieux Porphyre Pétrovitch qui le faisait trembler. Le plus terrible pour lui était de se retrouver de nouveau en présence de cet homme : il le haïssait au delà de toute mesure et il craignait même de se trahir par sa haine. Son indignation fut si forte qu’elle arrêta net son tremblement ; il s’apprêta à entrer d’un air froid et assuré, se promit de parler le moins possible, de se tenir toujours sur le qui-vive, enfin de dominer à tout prix son naturel irascible. Sur ces entrefaites, on l’introduisit auprès de Porphyre Pétrovitch.

Celui-ci se trouvait alors seul dans son cabinet. Cette pièce, de dimensions moyennes, contenait une grande table faisant face à un divan recouvert en toile cirée, un bureau, une armoire placée dans une encoignure et quelques chaises ; tout ce mobilier, fourni par l’État, était en bois jaune. Dans le mur ou plutôt la cloison du fond, il y avait une porte fermée, ce qui donnait à penser qu’il devait se trouver d’autres pièces derrière la cloison.

Dès que Porphyre Pétrovitch eut vu Raskolnikoff pénétrer dans son cabinet, il alla fermer la porte par laquelle le jeune homme était entré, et tous deux restèrent en tête-à-tête. Le juge d’instruction fit à son visiteur l’accueil en apparence le plus gai et le plus affable ; ce fut seulement au bout de quelques minutes que Raskolnikoff s’aperçut des façons légèrement embarrassées du magistrat : il semblait qu’on l’eût dérangé au milieu d’une occupation clandestine.

— Ah ! très-respectable ! Vous voilà… dans nos parages… commença Porphyre en lui tendant les deux mains. Allons, asseyez-vous donc, batuchka ! Mais, peut-être, vous n’aimez