Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/67

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pas qu’on vous appelle très-respectable et… batuchka, ainsi « tout court » ? Ne regardez pas cela, je vous prie, comme une familiarité… Ici, sur le divan.

Raskolnikoff s’assit, sans quitter des yeux le juge d’instruction.

« Ces mots « dans nos parages », ces excuses pour sa familiarité, cette expression française « tout court », qu’est-ce que tout cela veut dire ? Il m’a tendu les deux mains sans m’en donner aucune, il les a retirées à temps », pensa Raskolnikoff mis en défiance. Tous deux s’observaient l’un l’autre, mais dès que leurs regards se rencontraient, ils détournaient les yeux avec la rapidité de l’éclair.

— Je suis venu vous apporter ce papier… au sujet de la montre… Voilà. Est-ce bien ainsi, ou faut-il faire une autre lettre ?

— Quoi ? Quel papier ? Oui, oui… ne vous inquiétez pas, c’est très-bien, répondit avec une sorte de précipitation Porphyre qui prononça ces mots avant même d’avoir examiné le papier, puis, quand il y eut jeté un rapide coup d’œil : — Oui, c’est très-bien, c’est tout ce qu’il faut, continua-t-il, parlant toujours aussi vite, et il déposa le papier sur la table. Une minute après, il le serra dans son bureau, tout en causant d’autre chose.

— Vous avez hier, me semble-t-il, témoigné le désir de m’interroger… dans les formes… au sujet de mes relations avec la… victime ? reprit Raskolnikoff.

« Allons, pourquoi ai-je dit : me semble-t-il ? » pensa tout à coup le jeune homme. « Eh bien, qu’importe ce mot ? De quoi vais-je là m’inquiéter ? » ajouta-t-il mentalement presque aussitôt après.

Par ce fait seul qu’il se trouvait en présence de Porphyre avec qui il avait à peine échangé deux mots, sa défiance avait pris des proportions insensées ; il s’en aperçut soudain et comprit que cette disposition d’esprit était extrêmement