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Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/75

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conclusions fussent aussi claires, aussi indiscutables que deux fois deux font quatre ! Donc, si je fais arrêter ce monsieur avant le temps voulu, j’aurai beau être convaincu que c’est lui, — je me retire à moi-même les moyens ultérieurs d’établir sa culpabilité. Et comment cela ? Mais parce que je lui donne en quelque sorte une situation définie ; en le mettant en prison, je le calme, je le fais rentrer dans son assiette psychologique ; désormais il m’échappe, il se replie sur lui-même : il comprend enfin qu’il est un détenu.

Si, au contraire, je laisse parfaitement tranquille le coupable présumé, si je ne le fais pas arrêter, si je ne l’inquiète pas, mais qu’à toute heure, à toute minute, il soit obsédé par la pensée que je sais tout, que je ne le perds de vue ni le jour ni la nuit, qu’il est de ma part l’objet d’une surveillance infatigable, — qu’arrivera-t-il dans ces conditions ? Infailliblement il sera pris de vertige, il viendra lui-même chez moi, il me fournira quantité d’armes contre lui et me mettra en mesure de donner aux conclusions de mon enquête un caractère d’évidence mathématique, ce qui ne manque pas de charme.

Si ce procédé peut réussir avec un moujik inculte, il n’est pas non plus sans efficacité quand il s’agit d’un homme éclairé, intelligent, distingué même à certains égards ! Car l’important, mon cher ami, c’est de deviner dans quel sens un homme est développé. Celui-ci est intelligent, je suppose, mais il a des nerfs, des nerfs qui sont excités, malades !… Et la bile, la bile que vous oubliez, quel rôle elle joue chez tous ces gens-là ! Je vous le répète, il y a là une vraie mine de renseignements ! Et que m’importe qu’il se promène en liberté dans la ville ? Je puis bien le laisser jouir de son reste, je sais qu’il est ma proie et qu’il ne m’échappera pas ! En effet, où irait-il ? À l’étranger, allez-vous dire ? Un Polonais se sauvera à l’étranger, mais pas lui, d’autant plus que je le surveille et que mes mesures sont