Page:Dostoïevski - Humiliés et offensés.djvu/141

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Dieu veuille qu’il en soit ainsi. Au surplus, tout pesé et considéré, le prince, malgré qu’il fasse peut-être le jésuite, n’en consent pas moins vraiment et sérieusement à votre mariage.

Natacha s’était arrêtée au milieu de la chambre et me jetait un regard sévère. Ses traits étaient altérés, et ses lèvres tremblaient.

— Aurait-il pu ruser et mentir dans une circonstance aussi sérieuse ? demanda-t-elle avec un mélange de hauteur et de perplexité.

— C’est justement ce que je me dis.

— Il va sans dire qu’il n’a pas menti, il ne faut pas même penser à pareille chose ; il n’y a aucune raison de le faire. Que serais-je à ses yeux s’il se permettait de se moquer de moi à un tel point ? Un homme ne fait pas un pareil affront !

— Mais non, mais non ! répondis-je ; et je me disais en moi-même : Tu ne penses probablement pas à autre chose qu’à cela à présent, en te promenant par la chambre, ma pauvre amie, et peut-être as-tu encore plus de doutes que moi.

— Ah ! que je voudrais qu’il revint bientôt ! dit-elle. Il voulait passer toute une soirée avec moi… Il faut que ce soit une affaire bien importante pour qu’il ait ainsi tout laissé et qu’il soit parti. Tu ne sais pas ce que c’est ?

— Ma foi ! non. Il fait de l’argent ; on parle d’une entreprise à laquelle il prendrait part. Nous n’entendons rien aux affaires, Natacha.

— Absolument rien. Aliocha m’a parlé d’une lettre qu’il a reçue hier.

— Il est donc venu, Aliocha ?

— Oui, il est venu.

— De bonne heure ?

— À midi : il se lève tard. Il n’est resté qu’un instant : je l’ai expédié chez Catherine Féodorovna ; il ne pouvait faire autrement que d’y aller.

— Est-ce qu’il n’avait pas lui-même l’intention d’y aller ?

— Si, il se proposait…