Page:Dostoïevski - Humiliés et offensés.djvu/162

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malheur qu’elle me cachait, ce qu’elle n’avait pas fait auparavant, et j’étais décidé à ne pas rester longtemps chez elle pour ne pas l’irriter ou l’importuner.

J’avais deviné juste : elle m’accueillit d’un regard dur et mécontent. Je voulus repartir sur-le-champ ; mais je sentis mes jambes me manquer.

— Je suis venu te demander conseil, lui dis-je. Que dois-je faire de ma petite pensionnaire ? Et je lui racontai ce qui s’était passé ; elle m’écouta en silence.

— Je ne sais ce que je te dois conseiller, répondit-elle. Ce que tu viens de me dire indique que c’est une étrange petite créature, qui a sans doute beaucoup souffert. Attends qu’elle se rétablisse. As-tu l’intention de la mener chez mes parents ?

— Elle dit qu’elle ne veut pas me quitter, et Dieu sait comment elle serait reçue ; je suis extrêmement embarrassé. Et toi, chère amie, comment vas-tu ? Tu avais l’air malade hier, ajoutai-je avec hésitation.

— Oui, et je ne me sens pas bien aujourd’hui non plus, répondit-elle. N’as-tu vu personne des nôtres ?

— Non, j’irai demain. C’est demain samedi, n’est-ce pas ?

— Oui, pourquoi cette question ?

— C’est samedi que le prince doit venir te voir…

— Oui ! croyais-tu que je l’avais oublié ?

— Non, je t’en ai parlé sans autre intention…

Elle se tint longtemps debout devant moi à me regarder d’un regard fixe et fiévreux.

— Vania, me dit-elle, laisse-moi ; je t’en prie…

Je me levai et la regardai avec surprise.

— Qu’as-tu, chère amie ? il est arrivé quelque chose ! m’écriai-je tout effrayé.

— Il n’est rien arrivé. Demain tu sauras tout ; mais j’ai besoin d’être seule, laisse-moi. Il m’est si pénible, si pénible de te voir !

— Mais dis-moi, au moins…

— Tu sauras tout demain ! Oh ! mon Dieu ! ne veux-tu pas t’en aller… ?

Je sortis stupéfait, sachant à peine ce que je faisais. Mavra me suivit sur le palier.

—