et de l’excessive pâleur de ses traits. Elle tendit la main au prince et garda le silence, visiblement embarrassée et troublée. Elle ne m’accorda pas un regard, et j’attendis sans rien dire.
— Me voici ! dit le prince d’un ton amical et joyeux ; je suis de retour depuis quelques heures ; et depuis mon départ je n’ai fait que penser à vous (il lui baisa courtoisement la main). J’ai tant de choses à vous dire… Mais nous pourrons parler de tout. D’abord mon étourneau qui, je le vois, n’est pas encore ici…
— Pardon, prince, dit Natacha en rougissant, permettez-moi de dire quelques mots à Ivan Pétrovitch.
Elle me prit par la main, et nous sortîmes dans l’antichambre.
— Vania, dit-elle, me pardonnes-tu ?
— Laisse donc…
— Non, non, Vania, tu as trop souvent et trop pardonné ; toute patience a un terme. Je sais que je puis compter sur ton amitié ; mais tu te diras que je suis ingrate ; hier et avant-hier j’ai été ingrate, égoïste, cruelle… Elle laissa tomber sa tête sur mon épaule et fondit en larmes.
— Calme-toi, Natacha. Si je ne suis pas venu, c’est parce que j’ai été malade, et non pas que je sois fâché… Chère amie ! je sais bien ce qui se passe dans ton âme.
— Merci ! tu m’as pardonné, comme toujours, dit-elle en souriant à travers ses larmes et en me serrant la main à me faire mal. Le reste à plus tard. J’ai beaucoup de choses à te dire. Maintenant, allons le rejoindre…
— Oui, nous le laissons seul ainsi…
— Tu verras, tu verras ce qui va arriver, me dit-elle vite à l’oreille. Je sais tout, j’ai, tout deviné. Toute la faute est à lui, et cette soirée décidera de beaucoup de choses. Viens !
Je ne comprenais pas, mais ce n’était pas le moment de demander des explications. Le visage serein, elle s’approcha du prince qui était resté debout, son chapeau à la main. Elle s’excusa, le débarrassa de son chapeau, lui avança un fauteuil, et nous nous assîmes.
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