Page:Dostoïevski - Humiliés et offensés.djvu/216

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Donc, tu viendras, fit-il avec insistance.

— Je t’ai déjà dit que je viendrais.

— Ça ne suffit pas, tu me le promets.

— Fi ! que tu es drôle ! Soit ! je te le promets.

— Très-bien. À présent, de quel côté vas-tu ?

— Par ici, répondis-je en montrant la droite.

— Et moi par là, dit-il en désignant la gauche. Adieu, Vania ! n’oublie pas ta promesse : ce soir à sept heures.

Je restai tout ébahi.

Je m’étais proposé d’aller ce soir-là chez Natacha ; je m’y rendis sur-le-champ. J’étais persuadé que j’y trouverais Aliocha ; il y était en effet et fut très-réjoui de ma venue.

Il était très-gentil, plein d’amabilité. Natacha faisait son possible pour paraître gaie ; mais on voyait bien que la tâche était au-dessus de ses forces. Elle était pâle et souffrante, et n’avait pas fermé l’œil de toute la nuit, ce qui ne l’empêchait pas d’avoir toutes sortes de caresses pour Aliocha.

Celui-ci causait beaucoup, s’efforçait de l’égayer et de lui arracher un sourire ; il évitait de parler de son père et de Katia ; son essai de réconciliation de la veille avait probablement échoué.

— Il a effroyablement envie de partir, me dit Natacha pendant qu’il était allé dire quelque chose à la servante, mais il ne sait comment faire, et je crains de lui dire de s’en aller, parce qu’il se croira peut-être alors obligé de rester. En attendant, ce dont j’ai le plus peur, c’est qu’il ne s’ennuie et ne devienne tout à fait froid pour moi. Que me conseilles-tu ?

— Bon Dieu ! quelle drôle de position vous vous faites ! vous êtes défiants, vous vous surveillez l’un l’autre ! On s’explique, et c’est fini. Une pareille situation peut très-bien l’ennuyer.

— Que veux-tu que j’y fasse ? s’écria-t-elle avec angoisse.

— Attends, je m’en vais tout arranger…

— Prends bien garde, me dit Natacha.

À peine avais-je fermé la porte de la chambre qu’Aliocha v se précipita à ma rencontre, comme s’il m’eût attendu.

— Cher Ivan Pétrovitch, tirez-moi d’embarras. J’ai promis d’aller chez Katia, je devrais y être en ce moment, il faut