Page:Dostoïevski - Humiliés et offensés.djvu/279

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Le quatrième jour de sa maladie, j’avais passé la soirée chez Natacha, et j’y étais resté longtemps après minuit. Je comptais rentrer de bonne heure, et je le lui avais promis ; du reste, j’étais sans inquiétude, car Alexandra Séménovna était auprès d’elle. Masloboïew lui avait dit que la petite était malade, que j’étais seul et ne savais où donner de la tête. Dieu ! que d’agitation, que de tracas pour la bonne Alexandra Séménovna !

— Alors il ne viendra pas dîner ! s’écria-t-elle. Ah ! mon Dieu ! et il n’a personne, le pauvre garçon, il est tout seul ! C’est le moment ou jamais de lui prouver notre amitié ; il faut profiter de l’occasion.

Et elle arriva aussitôt, traînant avec elle un énorme paquet ; elle me déclara qu’elle était venue m’aider, qu’elle s’établissait chez moi, et me défit son paquet, déballa des sirops, des confitures, des poulets pour le cas où la malade serait déjà convalescente, des pommes qu’elle voulait lui cuire, des oranges, des fruits confits de Kiew (pour lesquels il faudrait l’autorisation du médecin), du linge de lit, des serviettes, des chemises, des compresses, des bandes… bref, toute une infirmerie.

— Nous avons tout ce que nous voulons chez nous, disait-elle avec volubilité ; mais vous qui êtes garçon, où prendrez-vous tout cela ? Vous me permettrez donc… d’ailleurs, c’est Philippe Philippitch qui me l’a dit. Bien… maintenant… vite ! que faut-il faire ? Comment va-t-elle ? N’est-elle pas mal couchée ainsi ? Il faut lui arranger son oreiller, elle a la tête trop haut ; qu’en dites-vous ?… ne vaudrait-il pas mieux qu’elle eût un coussin de cuir ? C’est plus frais. Ah ! quelle sotte je suis ! il ne m’est pas venu à l’idée d’en apporter un. Je m’en vais le chercher. Faut-il faire du feu ? Je vous enverrai une bonne vieille que je connais. Vous n’avez personne… Mais que faut-il faire à présent ? qu’est-ce que ceci ? une herbe… est-ce le médecin qui l’a prescrite ? Une tisane, sans doute… je m’en vais vite faire du feu.

Je m’efforçai de la calmer, et elle fut étonnée, attristée, quand il se trouva beaucoup moins d’ouvrage qu’elle n’avait pensé. Elle n’en perdit cependant pas courage : elle devint