Page:Dostoïevski - Humiliés et offensés.djvu/310

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Et trouvez-vous que je ressemble au portrait ?

— Vous êtes mieux, répondit Katia. J’en étais persuadée d’avance.

— Vraiment ? Moi, je vous regarde et je vous trouve si jolie !…

— Quelle idée ! À quoi pensez-vous… chère amie ? ajouta-t-elle en prenant dans sa main tremblante d’émotion celle de Natacha. Elles se regardèrent un instant en silence. Chère amie, reprit Katia, nous n’avons qu’une demi-heure à être ensemble ; c’est tout ce que j’ai pu obtenir de madame Albert, et nous avons tant de choses à nous dire !… Je voudrais… il faut… bah ! dites-moi d’abord si vous aimez beaucoup Aliocha.

— Oui, je l’aime beaucoup !

— S’il en est ainsi… si vous l’aimez beaucoup… vous devez… vous voulez son bonheur… ajouta-t-elle timidement et à voix basse.

— Oui, je désire qu’il soit heureux…

— C’est bien cela… il s’agit maintenant de savoir ce qui constitue son bonheur. S’il vous semble, et c’est ce que nous avons à décider, s’il vous semble qu’il doive être plus heureux avec vous, dans ce cas…

— C’est tout décidé, vous le voyez bien, répondit Natacha tout bas et en baissant les yeux. Elle avait une peine inouïe à prolonger cet entretien.

Katia s’était préparée, je crois, à une longue explication sur la question de savoir laquelle devait céder la place à l’autre. Mais après cette réponse, elle comprit que la résolution de Natacha était déjà prise, et qu’il était inutile de continuer ; elle regardait tristement Natacha, qu’elle tenait toujours par la main.

— Et vous, l’aimez-vous beaucoup ? lui demanda Natacha.

— Oui, je l’aime beaucoup, et je voulais vous demander… c’est pour cela que je suis venue, je voulais vous demander de me dire pourquoi vous l’aimez tant.

— Je ne sais, répondit Natacha avec amertume.

— Est-ce parce que vous lui trouvez de l’esprit ?

— Non, je l’aime simplement parce que je l’aime.

—