Page:Dostoïevski - Humiliés et offensés.djvu/311

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Et moi aussi. Il m’inspire un sentiment qui pourrait bien être de la pitié.

— À moi également, répondit Natacha.

— Que faire à présent ? Comment a-t-il pu vous délaisser pour s’éprendre de moi ? je ne le comprends pas, surtout depuis que je vous ai vue.

Natacha ne répondit pas et continua de rester les yeux baissés. Katia la regardait en silence ; tout à coup, elle se leva et l’embrassa avec tendresse. Ainsi enlacées, elles se mirent à pleurer toutes deux. Katia s’était assise sur le bras du fauteuil de Natacha, et la serrait dans ses bras.

— Si vous saviez combien je vous aime ! dit-elle en pleurant. Voulez-vous que nous soyons sœurs ? nous nous écrirons… et je vous aimerai toujours… je vous aimerai tant… tant…

— Vous a-t-il parlé de notre mariage au moins de juin ? demanda Natacha.

— Il m’en a parlé. Il m’a dit que vous aviez consenti. J’ai bien compris que c’était pour le calmer. Je vous écrirai. Vous retournerez… chez vos parents, n’est-ce pas ?

Pour toute réponse, Natacha l’embrassa avec effusion.

— Soyez heureux ! dit-elle enfin.

— Et vous… vous… aussi, dit Katia.

En ce moment, la porte s’ouvrit, et Aliocha entra. Les voyant ainsi embrassées et en larmes, il se mit à pleurer et tomba à genoux devant les deux jeunes filles.

— Pourquoi pleurer ? lui dit Natacha. Nous ne nous quittons que pour peu de temps ; tu seras de retour dans un mois.

— Et vous vous marierez, se hâta d’ajouter Katia.

— Je ne saurais vivre un seul jour sans toi ! Que deviendrai-je, Natacha, loin de toi ? Tu ne sais pas combien je t’aime…

— Eh bien ! voici comment tu peux faire, dit Natacha, s’animant tout à coup : vous vous arrêtez quelques jours à Moscou, n’est-ce pas ?

— Oui, une huitaine de jours, dit Katia.

— Huit jours ! c’est parfait ! tu pars demain, tu les conduis à