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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

tait avec succès André Chénier et Mme Deshoulières. Il goûtera Lomonossov, parlera avec quelque déférence de Derjavine, en constatant que c’était un fabuliste assez bien doué, original, et qui… imitait assez gentiment La Fontaine. Il gémira sur la mort prématuré de Krilov, qui, dans ses romans très personnels… imitait de façon passable Alexandre Dumas.

Après cela il dira adieu à Moscou, s’enfoncera plus loin dans le pays, s’extasiera devant les troïkas et reparaîtra au Caucase où, prêtant son concours aux troupes russes, il tirera sur les Circassiens, puis fera la connaissance de Schamyl, avec lequel il relira les Trois Mousquetaires.

Nous ne plaisantons pas ; nous n’exagérons rien. Nous sentons bien, cependant, à quel point nous paraissons charger, caricaturer ; mais voyez vous-mêmes, lisez les livres les plus sérieux écrits sur nous par des étrangers, et vous jugerez si nous sommes dans le vrai ou non.


II


Il ne faut pas trop nous en attrister : les opinions les plus absurdes exprimées sur notre compte par des étrangers ont souvent trouvé leur forme en des temps troublés propices aux malentendus, à la suite de guerres et de bouleversements. Toutefois, il est bon de dire qu’aux époques les plus pacifiques les jugements, moins violents dans leur libellé, demeuraient toujours empreints de la plus grande ignorance. Des livres sont là que l’on peut consulter à ce sujet.

Irons-nous taxer l’étranger de haine ou de stupidité pour cela ? Raillerons-nous le manque de clairvoyance et l’esprit borné de nos critiques ? Mais les opinions singulières dont nous nous plaignons sont professées par la totalité des pays d’Occident sous toutes les formes possibles, sont répétées par des ennemis et par des indifférents, par des violents et par des sages, par des bandits