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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

demander une confirmation de ses engagements. Mais dans le journal l’Union parut une lettre du prince, adressée à M. Chesnelong, dans laquelle il était dit que toute idée de concession était définitivement écartée. On crut savoir, un peu plus tard, que le comte de Chambord s’était montré fort hautain, et que MM. Chesnelong et Cie n’aurait même pas osé souffler mot de leur réelle mission. M. Chesnelong se serait borné à dire qu’il ne venait pas poser de conditions au chef de la branche légitime, mais bien pour lui expliquer respectueusement la situation. Le comte aurait répondu qu’il ne cherchait pas bassement le pouvoir pour le pouvoir lui-même ; qu’il ne voulait que consacrer à la France sa force et sa vie… « Je souffre loin de la France, aurait-il ajouté, et elle souffre sans moi. Nous sommes nécessaires l’un à l’autre. » M. Chesnelong serait alors entré dans des considérations très vagues, s’expliquant à peine sur la Charte, qui ne devait être ni imposée au roi, ni absolument offerte par lui, mais dont le projet pourrait être examiné par le roi et par l’assemblée. À peine aurait-il effleuré la question du maintien des droits civils et religieux, de l’égalité devant la loi et du pouvoir législatif à attribuer également au roi et aux représentants… Et aussitôt M. Chesnelong se serait mis à s’excuser. Ses paroles n’étaient pas dictées par une méfiance injurieuse envers le comte de Chambord. S’il s’était permis d’aborder ces matières, c’était afin que fussent écartées toutes causes de malentendus pouvant fausser l’opinion publique.

Au sujet du drapeau, M. Chesnelong aurait doublé la dose d’excuses. Le comité Changarnier avait eu la main forcée quand il s’était arrêté à cette rédaction : « Le drapeau tricolore est maintenu et ne pourra être changé qu’à la suite d’un accord survenu entre le roi et l’Assemblée. » (Remarquez cette formule ; elle signifiait que, dès son intronisation, le roi serait libre d’arborer à nouveau le drapeau blanc avec le consentement, même partiel, des représentants du pays. Une délibération et une voix de majorité suffiraient pour qu’il ne fût plus question du drapeau tricolore. Du consentement de la France, on ne parla même pas.) Et M. Chesnelong aurait résumé la