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Page:Dostoïevski - Journal d’un ecrivain.djvu/145

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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

Est-il tout à fait exacte que, dans cette Allemagne, les idées cosmopolites aient déjà accès et que la doctrine française du communisme se soit légèrement infiltrée ?

On s’est plu, dès le début de ce siècle, à représenter la Russie comme un colosse formidable, mais porté sur des pieds d’argile, alors qu’en réalité la Russie s’appuie sur sa classe de population la plus saine et la plus forte, le peuple. Mais ne pourrait-on plutôt expliquer l’image ci-dessus au colosse germanique.

En Prusse, les élections pour le Landtag viennent de prendre fin, laissant les différents partis dans un état d’agitation extrême. Actuellement le gouvernement prussien protège de toutes ses forces le parti national-libéral de toutes nuances, abandonnant complètement à leur sort la faction des Junkers et le troupeau catholique. Les nationaux-libéraux ont eu le dessus aux élections, et les gouvernants de Berlin peuvent compter sur une forte majorité dans le Landtag. Le fait est que le parti dénommé clérical (composé en réalité de tous ceux qu’ont mécontentés les nouvelles lois visant l’Église) s’est allié assez fortement avec la vieille bande des Junkers, battue cette fois à plate couture, et que le gouvernement soutenait si ouvertement il y a quelques années. Si l’on fait le compte des différentes forces alliées dans le présent Landtag, on verra que le parti clérical ne peut avoir qu’une minorité assez forte si l’on veut. Toutefois une opposition nullement méprisable peut se former. Le landtag a repris ses travaux le 6 novembre. On attend pour février les élections du Reichstag, et les cléricaux espèrent remporter une grande victoire. Il est vrai, qu’en Prusse, le gouvernement n’a pas coutume de se laisser intimider par l’opposition de ses Landtags. Naguère il les dissolvait quand ils ne marchaient pas droit et légiférait tout seul, sans avoir besoin des représentants du pays.

Après les immenses résultats qu’il vient d’obtenir en accomplissant imperturbablement sa tâche, son prestige n’a fait que grandir. La Prusse veut surtout un gouvernement fort, et la plupart de ceux qui composent les classes dirigeantes se rangeront de son côté. Il a pour lui l’auréole de la Victoire !