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Page:Dostoïevski - Journal d’un ecrivain.djvu/203

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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

« On l’a acquittée comme folle. Peut-être en faut-il remercier Dieu, car il n’est pas impossible qu’elle soit insensée.

« Ce qu’il y a d’étonnant, c’est que dans le public, composé exclusivement de dames, des applaudissements aient retenti.

« Des applaudissements, pourquoi ? Pour l’acquittement d’une folle ou pour l’impunité accordée au cynisme et aux débordements féminins ?

« Des femmes, des mères, ont applaudi ! Ce n’est pas applaudir mais bien pleurer qu’il fallait, en présence d’un tel outrage à ce qui devrait être l’idéal d’une femme… »

(J’omets ici quelques lignes décidément trop violentes.)

« Pouvez-vous passer cela sous silence ? »


LA VOIX DE LA PROVINCE


Il est peut-être bien tard pour revenir sur le détail de cette affaire de la Kaïrova : du reste, tout le monde est au courant.

Je voudrais en dire quelques mots cependant, car rien ne finit, et il n’est donc jamais trop tard, en réalité, pour examiner une affaire intéressante. Toute aventure de ce genre a une suite qui rajeunit, et je vois que tout le public russe s’est passionné pour le procès ; les nombreuses lettres que je reçois en sont une preuve. Nos provinces, elles aussi, ont donné ; comme l’ont depuis longtemps remarqué les journaux, elles veulent vivre de leur vie propre et un recueil de Kazan, intitulé le Premier pas, et dont nous aurions déjà dû parler, a dit des choses d’une extrême importance. Voici que de nouvelles voix se joignent au vieux chœur russe. Jusqu’à présent, Pétersbourg et Moscou ont mené la Russie, et cela depuis Pierre le Grand. Le rôle de Pétersbourg, celui de fenêtre ouverte sur l’Europe, semble modifié à l’heure