Page:Dostoïevski - Journal d’un ecrivain.djvu/256

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
252
JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

utopie que d’aller se figurer que l’Europe permettra à la Russie de se mettre à la tête des Slaves pour entrer dans Constantinople ? Croyez-vous que ce ne soit qu’un rêve ? Sans parler de ce fait que la Russie est forte (et peut-être beaucoup plus qu’elle ne l’imagine elle-même), n’avons-nous pas vu l’hégémonie européenne passer d’une puissance à une autre dans ces dix dernières années, l’une de ces puissances cruellement éprouvée, et l’autre transformée en un formidable empire ? S’il en a été ainsi, qui peut prédire la solution de la question d’Orient ? Comment désespérer après cela du réveil et de l’union des Slaves ? Qui peut se vanter de connaître les voies divines ?

V


ENCORE AU SUJET DES FEMMES


Presque tous les journaux sont déjà revenus à des sentiments de sympathie pour les Serbes et les Monténégrins. Dans la société aussi bien que dans le peuple, on s’enthousiasme à la nouvelle de leurs succès. Mais les slaves ont encore besoin de secours. On sait de façon assez sûre que les Autrichiens et les Anglais aident les Turcs en sous-main. On leur fournit de l’argent, des armes, des obus, voire des hommes. L’armée turque contient une foule d’officiers étrangers. La puissante flotte anglaise ne bouge pas des eaux de Constantinople — pour des raisons politiques. L’Autriche a déjà une armée immense toute prête, — prête à toute éventualité. La presse autrichienne fulmine contre les Serbes révoltés et… la Russie. Il est certain que si l’Europe est peu favorablement disposée envers les Slaves, cela vient de ce que les Russes, aussi, sont des Slaves. Autrement les journaux autrichiens ne s’inquiéteraient pas tant des Slaves, quan-