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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN



IV


LES ALLEMANDS ET LE TRAVAIL. L’ESPRIT ALLEMAND


Ems est une station brillante et à la mode. On y vient du monde entier. Ses sources attirent surtout les malades atteints d’affections des voies respiratoires, et beaucoup de gens y font des cures avec un résultat satisfaisant. L’été, on y peut rencontrer jusqu’à quinze mille visiteurs, presque tous évidemment gens riches ou ayant largement les moyens de se soigner. Toutefois, il y a aussi des pauvres qui viennent ici chercher la guérison, quelquefois à pied. On en compte environ une centaine ; tous n’arrivent pas à pied, bien entendu ; il y en a qui prennent le chemin de fer.

J’ai été très intéressé par les wagons de quatrième classe construits pour les lignes allemandes. Pendant un arrêt du train, j’ai prié le conducteur (presque tous les conducteurs allemands sont très aimables pour les voyageurs), de me faire voir un wagon de quatrième classe. Il m’a montré une voiture sans la moindre banquette ; rien que les parois et le plancher :

— Où s’assoient-ils, vos voyageurs de quatrième classe ? Sur le plancher ?

— Naturellement, si ça leur fait plaisir.

— Combien de places contiennent vos wagons ?

— Vingt-cinq.

En calculant l’espace dont pouvait disposer chacun des vingt-cinq voyageurs, j’ai conclu que tous devaient rester debout, et encore, les épaules se touchant. S’ils sont au complet, il est évident qu’ils sont forcés de conserver leur bagage à la main. Maintenant, sans doute, n’ont-ils que de petits paquets.

J’ai fait part de mes réflexions au conducteur, qui m’a répondu : « Oui, mais le prix n’est que la moitié de celui