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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

traire ; l’idée d’immortalité de l’âme, en promettant la vie éternelle, attache l’homme plus fortement à la terre. Il semble qu’il y ait ici une contradiction. Si, outre la vie terrestre, nous en avons encore une céleste, pourquoi faire un si grand cas de celle d’ici-bas ? Mais ce n’est qu’avec la foi dans son immortalité que l’homme s’initie au but raisonnable de sa vie sur la terre. Sans la conviction en l’immortalité de l’âme, l’attachement de l’homme pour sa planète diminue, et la perte du sens suprême de la vie mène incontestablement au suicide. Et si la croyance en l’immortalité est si nécessaire à la vie humaine, c’est qu’elle est un état normal de l’humanité, et c’est une preuve que l’immortalité existe. En un mot, cette croyance est la vie elle-même et la première source de vérité et de conscience réelle pour l’humanité.

Voilà quel était le but de mon article, la conclusion à laquelle je désirais que chacun arrivât quand je l’écrivis.

IV


ANECDOTE SUR LA VIE ENFANTINE


Je veux raconter ceci pour ne pas l’oublier :

Une mère demeure avec sa fille, âgée de douze ans, dans un faubourg de Pétersbourg, bien en dehors de l’agglomération principale. La famille n’est pas riche, mais la mère gagne sa vie en travaillant, et la fillette fréquente une école de Pétersbourg. Chaque fois qu’elle se rend à l’école ou revient chez elle, elle prend place dans un omnibus qui va de Gostinoï Dvor jusqu’auprès de sa maison.

Et voici qu’il y a deux mois, alors que l’hiver fit si brusquement son apparition, la mère s’aperçut que sa fille Sacha n’étudiait plus ses leçons et le fit observer à la petite :

— Oh ! maman, ne t’inquiète pas, répondit cette der-