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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

nues depuis dix-huit mois que dure ma publication, deux seulement révélaient une réelle hostilité.

Il m’en est venu de personnes qui ne partageaient pas ma manière de voir et qui me présentaient leurs objections sous une forme sérieuse et polie ; je regrette de n’avoir pu répondre à toutes celles-là.

Mais les deux dont je viens de parler étaient écrites bien moins pour discuter que pour injurier. Leurs auteurs sont au nombre des messieurs que je vais énerver aujourd’hui.

Une d’elles me reproche d’avoir annoncé ma maladie dans un journal. Mon correspondant anonyme se fâche tout rouge : Comment ai-je osé, dit-il, entretenir le public d’un fait particulier de ce genre ? Il parodie même mon annonce de la façon la plus indécente et la plus grossière. Mais, laissant en dehors le but principal de la lettre, qui était de m’injurier, je me suis préoccupé d’une question secondaire qu’elle soulevait. Ai-je le droit, à présent que je suis malade et forcé d’aller me soigner, d’annoncer pourquoi mon numéro de mai ne paraitra pas à temps, mais verra le jour avec celui de juin. Jusqu’à maintenant, dans chaque Carnet, j’ai annoncé la date d’apparition du numéro suivant et s’il y avait un retard, je pensais que me borner à dire, sans autre explication : Le numéro de tel mois sera mis en vente en même temps que celui de tel autre mois, était un procédé un peu cavalier. Je donnais donc la raison du retard. Cette fois, la cause est la maladie. Est-ce un crime de le dire ? Et ai-je tant que cela insisté, dans mon annonce, sur mon état de santé ? Si l’observation venait d’un homme sérieusement formalisé de ce qu’il considérerait comme un manquement aux convenances littéraires, je la regarderais somme la preuve d’un zèle excessif, mais respectable. Mais les injures ont tout gâté l’intention du correspondant était purement et simplement de me blesser. Je m’étends peut-être un peu trop sur une vétille, mais il y avait déjà longtemps que je désirais dire quelques mots sur les lettres anonymes injurieuses et je suis heureux d’en trouver l’occasion.

J’ai souvent pensé qu’a une époque comme la nôtre, où