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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

IV

UN HOMME DE GÉNIE


On pouvait peut-être, depuis longtemps, entrevoir cette difficulté, mais elle surgit plus soudainement qu’on n’aurait cru au moment de l’agitation cléricale en France. Et voici maintenant ce que l’on peut se demander : « L’unité allemande est-elle aussi solide qu’elle paraît ; L’Allemagne ne demeure-t-elle pas divisée comme auparavant, malgré les efforts géniaux de ses hommes d’État, pendant ces vingt-cinq dernières années ? Le pays n’est-il unifié que politiquement, en dépit de la guerre franco-prussienne et de la proclamation de l’Empire d’Allemagne ? »

Le pis est que cette difficulté n’apparaissait pas très clairement jusqu’à ces temps derniers aux yeux de la plupart des Allemands. L’Allemagne a été grisée par sa victoire. Un peuple plus, souvent vaincu que vainqueur, a triomphé d’un ennemi jusqu’à présent presque toujours victorieux. Et comme il était évident qu’il ne pouvait pas, cette fois, ne pas vaincre avec son organisation exemplaire, son armée innombrable et ses chefs de premier ordre, comment voulez-vous que le peuple allemand ne soit pas enivré de ses succès ? Après un pareil triomphe, l’union germanique devait paraître bien forte. Il y eut une explosion de chauvinisme, et l’orgueil national dégénéra presque insouciante, en légèreté. Un petit nombre d’Allemands, pourtant, demeura une idée inquiet, et parmi eux, un homme des plus remarquable, le prince de Bismarck.

À peine, les troupes allemandes étaient-elles rentrées de France, qu’il comprit qu’il n’avait pas assez fait « par le fer et par le sang », et n’avait pas suffisamment profiter de l’occasion. Il est vrai que l’Allemagne gardait —