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Page:Dostoïevski - L’Éternel Mari, trad. Nina Halpérine-Kaminsky, 1896.djvu/101

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ai dit — à vous seule, car votre mari lui-même l’ignore —, de l’année que j’ai vécue à T… ?

— Je m’en souviens très bien ; vous m’en avez souvent parlé.

— Ne dites pas que j’en ai « parlé » ; dites que je m’en suis confessé, et à vous seule ! Je ne vous ai jamais dit le nom de cette femme : c’était la femme de ce Trousotsky. Elle est morte, et Lisa est sa fille… et ma fille !

— Vraiment ? Vous ne vous trompez pas ? demanda Klavdia Petrovna, un peu troublée.

— Je suis certain, tout à fait certain de ne pas me tromper, dit Veltchaninov avec feu.

Et il lui raconta tout, aussi brièvement qu’il put, vivement, avec volubilité. Klavdia Petrovna, depuis longtemps, savait tout, sauf le nom de la femme. Veltchaninov avait toujours été plein de terreur à la seule idée que quelqu’un pût rencontrer madame Trousotskaïa, et s’étonner qu’il eût pu, lui, avoir tant d’amour pour elle ; c’est au point qu’il avait dissimulé jusqu’à ce jour le nom de cette femme à Klavdia Petrovna elle-même, son aimée la plus entière.

— Et le père ne sait rien ? demanda-t-elle, quand il eut achevé son récit.

— Non… Il sait… Enfin, c’est précisément