Page:Dostoïevski - L’Éternel Mari, trad. Nina Halpérine-Kaminsky, 1896.djvu/21

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même tentation se représente, que, par exemple, j’ai de nouveau un intérêt quelconque à répandre le bruit que la femme du maître d’école acceptait avec plaisir ce que je lui offrais, et je recommencerai, je le sais bien, sans la moindre hésitation, et je serai d’autant plus vil et plus perfide que je le ferai pour la seconde fois, et non plus pour la première. Que demain ce petit prince, à qui, il y a onze ans, j’ai cassé une jambe d’un coup de pistolet, vienne à m’offenser de nouveau, je m’empresserai de le provoquer, et il lui en coûtera une seconde jambe de bois. Tous ces retours sur le passé, c’est de la poudre perdue, et il n’y pas un seul coup qui porte. À quoi bon ces souvenirs, quand je ne sais même pas m’affranchir suffisamment de moi dans le présent ! »

Il ne se trouva pas de maîtresse d’école à diffamer, ni de jambe à casser, mais la seule idée que ces faits pouvaient se renouveler, à l’occasion, l’écrasait presque… parfois. — On ne peut pas toujours être en proie aux souvenirs ; il faut bien qu’il y ait des entractes, où l’on puisse respirer et se distraire.

C’est ce que faisait Veltchaninov : il était tout disposé à profiter des entractes pour se distraire ; mais, plus le temps marchait, plus