Page:Dostoïevski - L’Éternel Mari, trad. Nina Halpérine-Kaminsky, 1896.djvu/254

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scène : sa chambre était pleine de gens, et la porte, dans l’ombre, restait ouverte ; les gens entraient en foule, montaient l’escalier, en rangs serrés. Au milieu de la chambre, près de la table, un homme était assis, exactement comme dans son rêve d’il y a un mois. De même qu’alors, l’homme restait assis, accoudé sur la table, sans parler ; mais cette fois il portait un chapeau entouré d’un crêpe. « Comment ? c’était donc Pavel Pavlovitch, l’autre fois aussi ? » pensa Veltchaninov ; mais, en considérant les traits de l’homme silencieux, il se convainquit que c’était quelqu’un d’autre. « Mais pourquoi donc porte-t-il un crêpe ? » songea-t-il. La foule pressée autour de la table parlait, criait, et le tumulte était terrible. Ces gens semblaient plus irrités contre Veltchaninov, plus menaçants que dans l’autre rêve ; ils tendaient les poings vers lui, et criaient à tue-tête ; que criaient-ils, que voulaient-ils, il ne parvenait pas à le comprendre.

« Mais voyons, tout cela n’est que du délire ! songea-t-il, je sais bien que je n’ai pu m’endormir, que je me suis levé, que je suis debout, parce que je ne pouvais rester couché, tant je souffrais !… » Et pourtant les cris, les gens, les gestes, tout lui apparaissait avec une