Aller au contenu

Page:Dostoïevski - L’Éternel Mari, trad. Nina Halpérine-Kaminsky, 1896.djvu/279

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

s’était tenu tout à fait à l’écart ; on l’avait parfaitement remarqué. Mais il était rentré dans le monde avec une contrition si parfaite, et il s’y était montré si renouvelé, si sûr de lui-même, que tous lui avaient pardonné aussitôt sa défection momentanée. Ceux même qu’il avait cessé de saluer furent les premiers à le reconnaître et à lui tendre la main, sans lui poser aucune question fâcheuse, comme s’il avait simplement dû se consacrer quelque temps à ses affaires personnelles, qui ne regardaient que lui.

La cause principale de son heureuse transformation était, bien entendu, l’issue de son procès. Il lui était revenu soixante mille roubles : c’était peu de chose, évidemment, mais pour lui, c’était beaucoup. Il se retrouvait sur un terrain solide ; il savait qu’il ne gâcherait pas stupidement ces dernières ressources comme il avait fait des autres, et qu’il les ménagerait pour la durée de son existence. « Ils peuvent bien bouleverser à leur gré l’édifice social, et nous corner aux oreilles tout ce qu’ils voudront, — songeait-il parfois, en considérant les choses belles et excellentes qui se réalisaient autour de lui et dans la Russie entière, — les hommes peuvent changer, les idées aussi, moi