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Page:Dostoïevski - L’Éternel Mari, trad. Nina Halpérine-Kaminsky, 1896.djvu/280

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je n’en ai cure : je sais que j’aurai toujours à ma disposition un petit dîner soigné, comme celui que je savoure en ce moment-ci, et, quant au reste, je suis bien tranquille. » Cette tournure d’esprit bourgeoise et voluptueuse avait transformé peu à peu jusqu’à sa personne physique : l’hystérique agité de jadis avait complètement disparu, et avait fait place à un nouvel homme, à un homme gai, ouvert, posé. Même, les rides inquiétantes, qui s’étaient montrées un instant autour de ses yeux et sur son front, s’étaient presque effacées ; et son teint s’était modifié, était devenu blanc et rose.

Il était confortablement installé dans un wagon de première classe, et son esprit ravi caressait une pensée charmante. Il y avait une bifurcation à la gare suivante. « J’ai donc le choix : si tout à l’heure je quitte la ligne directe pour bifurquer à droite, je pourrais faire une visite, deux stations plus loin, à une dame que je connais bien, qui revient à peine de l’étranger et qui se trouve là-bas dans une solitude fort avantageuse pour moi, mais fort ennuyeuse pour elle : voilà de quoi s’occuper d’une manière aussi intéressante qu’à Odessa, d’autant plus qu’il sera toujours temps de gagner ensuite Odessa… » Il hésitait encore, et n’arri-