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Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 1.djvu/166

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Au même instant retentit un violent coup de sonnette. On avait tiré le cordon presque à le rompre. Cela faisait deviner une visite extraordinaire. Kolia courut ouvrir.

X

Soudain un brouhaha se produisit dans l’antichambre ; il semblait à la société réunie au salon qu’un certain nombre de gens avaient pénétré dans l’appartement et que l’invasion continuait. Plusieurs voix se faisaient entendre en même temps ; on parlait et l’on riait aussi sur le palier ; pour que ce bruit arrivât aux oreilles des personnes de la maison, il fallait évidemment que la porte d’entrée fût restée ouverte. Chacun échangea un coup d’œil avec son voisin ; tous se demandaient ce que pouvait être une pareille visite. Gania s’élança dans la salle ; mais déjà quelques individus s’y étaient introduits.

— Ah ! voilà le Judas ! s’écria quelqu’un dont le prince reconnut la voix : — bonjour, coquin de Ganka !

— C’est lui, lui-même ! observa un autre.

Le prince n’en put douter : le premier qui venait de parler était Rogojine, le second était Lébédeff.

Gania resta comme paralysé sur le seuil du salon et regarda silencieusement entrer dans la salle, sans essayer de leur en interdire l’accès, les dix ou douze hommes dont se composait la suite de Parfène Rogojine. Cette société était fort mêlée et se distinguait surtout par son mauvais genre. Plusieurs avaient conservé leurs paletots et leurs pelisses. À vrai dire, il n’y avait point là de gens en état complet d’ivresse, mais tous étaient passablement gris. Ils semblaient avoir besoin de se sentir les coudes : aucun d’eux n’aurait osé entrer isolément ; aussi marchaient-ils en colonne serrée. Rogojine lui-même s’avançait avec cir-