qu’on fasse partir Fédor ou Alexis par le premier train, — Alexis plutôt. Aglaé, viens ici ! Embrasse-moi, tu as très-bien débité cette poésie, mais si ton émotion était sincère, ajouta-t-elle presque tout bas, — je te plains ; si c’était un jeu de ta part, je n’approuve pas tes sentiments, de sorte que, dans un cas comme dans l’autre, tu as eu tort. Comprends-tu ? Va, madame, j’aurai encore à te parler, mais nous nous éternisons ici.
Pendant ce temps, le prince adressait les compliments d’usage au général, qui lui présentait Eugène Pavlovitch Radomsky.
— Je l’ai, pour ainsi dire, cueilli en route, il ne fait que d’arriver ; il a su que je venais ici et que tous les nôtres y étaient…
— J’ai su aussi que vous y étiez, interrompit Eugène Pavlovitch, — et comme depuis longtemps je me proposais de rechercher, non pas seulement votre connaissance, mais votre amitié, je n’ai pas voulu perdre de temps. Vous êtes malade ? Je viens seulement d’apprendre…
— Je vais très-bien et je suis enchanté de faire votre connaissance ; j’ai déjà beaucoup entendu parler de vous et me suis même entretenu à votre sujet avec le prince Chtch…, répondit Léon Nikolaïévitch en tendant la main au visiteur.
Après l’échange des politesses accoutumées, les deux hommes se serrèrent la main, en même temps chacun d’eux jeta sur le visage de l’autre un coup d’œil rapide, mais pénétrant. La conversation ne tarda pas à devenir générale. Le prince, dont la curiosité était alors fort éveillée, observait tout et peut-être même s’imaginait voir des choses qui n’existaient pas réellement. Il remarqua que le costume civil d’Eugène Pavlovitch causait à toute la société un étonnement extraordinaire, au point de faire oublier momentanément tout le reste. Il y avait pour croire que ce changement de tenue constituait un fait d’une importance exceptionnelle. Adélaïde et Alexandra stupéfaites questionnaient Eugène Pavlovitch. Le prince Chtch…, parent du