nerveux : — cela se comprend, mais le prince n’hésitera pas un instant à le croire et il ne s’en étonnera pas du tout.
— Entends-tu, prince ? fit Élisabeth Prokofievna en se retournant vers lui : — entends-tu ?
On riait dans ce groupe. Lébédeff, accouru précipitamment auprès de la générale, se livrait devant elle à une pantomime pleine d’animation.
— Il prétend que ce grimacier, ton propriétaire… a retouché l’article de ce monsieur, l’article qu’on a lu tantôt et où tu es drapé d’une si belle façon.
Le prince considéra Lébédeff avec étonnement.
— Pourquoi ne dis-tu rien ? reprit Élisabeth Prokofievna en frappant du pied.
— Eh bien, murmura le prince, qui continuait à examiner Lébédeff, — je vois qu’il l’a retouché.
— C’est vrai ? demanda-t-elle vivement à l’employé.
Il porta la main à son cœur.
— C’est la pure vérité, Excellence ! déclara-t-il sans la moindre hésitation.
En entendant cette réponse, faite du ton le plus ferme, la générale faillit sauter en l’air.
— On dirait qu’il s’en vante ! s’écria-t-elle
— Je suis bas, je suis bas ! commença à balbutier Lébédeff, qui se frappait la poitrine et inclinait profondément la tête.
— Et qu’est-ce que cela me fait que tu sois bas ? Il pense qu’il n’a qu’à dire : Je suis bas, pour se tirer d’affaire. Et tu n’es pas honteux, prince, je te le demande encore une fois, tu n’es pas honteux de vivre avec de pareilles fripouilles ? Jamais je ne te pardonnerai !
— Le prince me pardonnera ! dit avec conviction et attendrissement Lébédeff.
Keller quitta soudain sa place et s’approcha brusquement d’Élisabeth Prokofievna.
— C’est seulement par noblesse, madame, commença-t-il d’une voix sonore, — et pour ne pas trahir un ami compromis, que tantôt j’ai gardé le silence sur ces retouches.