Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 1.djvu/407

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pas vrai ? (Je soupçonnais depuis longtemps que vous ne teniez qu’à cela !) Eh bien, sachez que pas un de vous peut-être n’a aimé sa mère comme Bourdovsky aime la sienne ! Vous, prince, je le sais, vous avez secrètement envoyé de l’argent à la mère de Bourdovsky par l’entremise de Ganetchka. Eh bien, je parie, continua-t-il avec un sourire hystérique, — je parie qu’à présent Bourdovsky vous accuse d’indélicatesse, qu’il vous reproche d’avoir manqué de respect à sa mère ! Oui, positivement ! Ha, ha, ha !

De nouveau le souffle s’arrêta dans son gosier et il se mit à tousser.

— Allons, c’est tout ? C’est tout maintenant, tu as tout dit ? Eh bien, à présent, va te coucher, tu as la fièvre, reprit impatiemment Élisabeth Prokofievna, dont le regard inquiet ne quittait pas le malade. — Ah ! Seigneur ! Mais il parle encore !

— Vous riez, je crois ? Pourquoi riez-vous toujours de moi ? J’ai remarqué que vous ne cessiez de vous moquer de moi ? fit-il observer d’un ton irrité à Eugène Pavlovitch. Ce dernier riait en effet.

— Je voulais seulement vous demander, monsieur… Hippolyte… pardonnez-moi, j’ai oublié votre nom de famille.

— Monsieur Térentieff, dit le prince.

— Oui, Térentieff, je vous remercie, prince, on l’a dit tantôt, mais je ne me le rappelais plus… je voulais vous demander, monsieur Térentieff, si ce que j’ai entendu dire de vous est vrai : vous seriez d’avis, paraît-il, qu’il vous suffirait de vous mettre à une fenêtre et de haranguer le peuple pendant un quart d’heure pour lui faire partager immédiatement toutes vos idées et le décider à vous suivre ?

— Il est fort possible que j’aie dit cela… répondit Hippolyte, qui semblait chercher dans ses souvenirs. — Certainement, je l’ai dit ! poursuivit-il avec une animation soudaine, et il ajouta en fixant sur Eugène Pavlovitch un regard assuré : — eh bien, qu’en concluez-vous ?