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Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 2.djvu/150

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VIII

Elle riait, mais elle était indignée.

— Il dort ! Vous dormiez ! s’écria-t-elle d’un air étonné et méprisant.

— C’est vous ! murmura le prince qui, n’étant pas encore bien éveillé, la reconnut avec surprise. — Ah, oui ! Ce rendez-vous… je m’étais endormi ici.

— Je l’ai bien vu.

— Personne d’autre que vous ne m’a éveillé ? Vous étiez seule ici ? Je pensais qu’il y avait ici… une autre femme.

— Il y avait ici une autre femme ?

À la fin les idées du prince s’éclaircirent.

— Ce n’était qu’un rêve, observa-t-il pensivement, — il est étrange que dans un pareil moment un tel rêve… Asseyez-vous.

Il la prit par la main et la fit asseoir sur le banc ; lui-même s’assit près d’elle et devint songeur. Au lieu d’entrer en matière, Aglaé se bornait à considérer attentivement le prince. Celui-ci la regardait aussi, mais parfois, quoiqu’il eût les yeux fixés sur la jeune fille, il semblait ne pas la voir. Elle commença à rougir.

— Ah, oui ! fit-il en frissonnant : — Hippolyte s’est tiré un coup de pistolet.

— Quand ? Chez vous ? demanda-t-elle sans toutefois témoigner beaucoup d’étonnement : — hier soir il était encore vivant, paraît-il ? Comment donc avez-vous pu vous endormir après tout cela ? cria-t-elle avec une vivacité subite.

— Mais il n’est pas mort, le coup n’est pas parti.

Sur les instances d’Aglaé, le prince dut aussitôt raconter et même d’une façon fort détaillée toute l’histoire de la nuit