Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 2.djvu/298

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Aglaé le regarda attentivement, et il crut s’apercevoir qu’elle était contente de lui. Peu à peu il se sentit très-heureux. Parfois, souvent même, il se rappelait tout d’un coup les pensées et les craintes « fantastiques » qu’il avait conçues après son entretien avec Lébédeff, mais elles lui apparaissaient maintenant comme un songe si absurde, si ridicule ! (D’ailleurs, durant toute la journée, sans qu’il se l’avouât, son plus vif désir avait été de trouver des raisons pour ne pas croire à ce songe !) Il parlait peu, et seulement lorsqu’on l’interrogeait ; à la fin il ne dit plus rien du tout, s’assit et se borna à écouter ; pourtant la satisfaction qui l’inondait était visible. Insensiblement s’empara de lui une sorte d’inspiration qui n’attendait qu’une occasion pour éclater au dehors… Mais s’il prit la parole, ce fut par hasard, pour répondre à une question, et, selon toute apparence, sans intention particulière…..

VII

Tandis qu’il contemplait d’un air de béatitude Aglaé alors en train de causer gaiement avec le prince N… et Eugène Pavlovitch, dans un autre coin le barine anglomane, fort animé, racontait quelque chose au haut fonctionnaire ; tout à coup il prononça le nom de Nicolas Andréiévitch Pavlichtcheff. Aussitôt le prince se tourna de leur côté et se mit à écouter.

Il s’agissait des institutions actuelles et des ennuis qui en résultaient pour les propriétaires dans le gouvernement de ***. Les récits de l’anglomane devaient avoir quelque chose de plaisant, car le haut fonctionnaire paraissait s’amuser de la colère bilieuse du narrateur. Celui-ci racontait d’une voix grondeuse, et en traînant les mots, comme quoi, bien qu’il n’eût pas précisément besoin d’argent, il