Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 2.djvu/299

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s’était vu forcé, par l’effet des institutions actuelles, de vendre à moitié prix un domaine magnifique qu’il possédait dans le gouvernement de *** ; en même temps il était obligé de conserver un bien réduit à rien, désavantageux, et au sujet duquel on lui intentait un procès. « Pour éviter de nouveaux désagréments avec la terre que j’ai héritée de Pavlichtcheff, j’ai renoncé à en prendre possession. Encore un ou deux héritages pareils et je suis ruiné. Pourtant j’avais là trois mille dessiatines d’excellente terre ! »

Remarquant l’extrême attention que le prince prêtait à cet entretien, Ivan Fédorovitch s’approcha soudain de lui,

— Tiens, voilà… fit-il à demi-voix, — Ivan Pétrovitch est un parent de feu Nicolas Andréiévitch Pavlichtcheff… tu cherchais ses parents, je crois ?

Jusqu’alors Épantchine avait causé avec le général, son supérieur hiérarchique, mais depuis longtemps déjà il s’était aperçu que Léon Nikolaïévitch restait isolé au milieu de la société, et cela commençait à l’inquiéter. Il voulait faire causer le prince, le mêler dans une certaine mesure à la conversation et de la sorte le présenter, pour ainsi dire, une seconde fois aux « grands personnages ».

— Léon Nikolaïévitch a été élevé par Nicolas Andréitch Pavlichtcheff après la mort de ses parents, dit-il en rencontrant le regard d’Ivan Pétrovitch.

— Il m’est très-agréable… observa celui-ci d’une voix traînante, — et même je me rappelle très-bien… Tantôt, quand Ivan Fédorovitch nous a présentés l’un à l’autre, je vous ai reconnu tout de suite, quoique je ne vous aie vu qu’enfant, lorsque vous aviez dix ou onze ans. Vous n’avez pas beaucoup changé. Votre visage a conservé quelque chose…

— Vous m’avez vu enfant ? demanda le prince extraordinairement étonné.

— Oh, il y a fort longtemps, reprit Ivan Pétrovitch, — à Zlatoverkhovo, où vous habitiez alors chez mes cousines. Autrefois j’allais assez souvent à Zlatoverkhovo, — vous ne vous souvenez pas de moi ? Il se peut très-bien que vous