coûter à son amour-propre. Oh ! quel petit enfant vous êtes, Élisabeth Prokofievna !
— Tu veux que je te donne un soufflet, n’est-ce pas ?
— Non, ce n’est nullement mon désir. Mais je dis cela parce que vous cachez la satisfaction que cette lettre vous a causée. Pourquoi avez-vous honte de vos sentiments ? Vous êtes toujours ainsi.
— Désormais ne te permets plus de mettre le pied chez moi, répliqua la générale, qui se leva pâle de colère, — je ne veux plus jamais respirer le même air que toi !
— Et d’ici à trois jours vous viendrez vous-même me prier d’aller chez vous… Allons, comment n’êtes-vous pas honteuse ? Ce sont vos meilleurs sentiments, pourquoi en rougissez-vous ? Vous ne faites que vous tourmenter vous-même.
— Que je meure si je te revois jamais ! J’oublierai ton nom ! Je l’ai oublié !
Elle s’éloigna brusquement du prince.
— Avant votre défense, on m’avait déjà interdit d’aller chez vous, lui cria-t-il.
— Quo-oi ? Qui te l’avait interdit ?
Elle se retourna soudain comme si elle avait été piquée par une aiguille. Le prince hésitait à répondre, il sentait qu’il venait de dire un mot de trop.
— Qui t’a défendu d’aller chez nous ? insista d’un ton irrité Élisabeth Prokofievna.
— Aglaé Ivanovna m’interdit…
— Quand ? Mais parle donc !
— Ce matin elle m’a fait savoir que je ne devais plus me permettre d’aller chez vous.
Élisabeth Prokofievna resta comme paralysée par la stupeur, néanmoins elle essayait de recueillir ses idées.
— Qu’est-ce qu’elle t’a fait savoir ? Qui a-t-elle envoyé ? Elle a chargé le gamin de cette commission ? Elle t’a dit cela de vive voix ? cria-t-elle de nouveau.
— J’ai reçu une lettre d’elle, répondit le prince.
— Où est-elle ? Donne-la ! Tout de suite !