Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 2.djvu/352

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devoir rompre toutes relations avec le prince Léon Nikolaïévitch. Le prince Chtch…., par exemple, ne le saluait plus et se détournait quand il le rencontrait. Mais Eugène Pavlovitch ne craignit pas de se compromettre en faisant visite à Muichkine, bien qu’il eût repris ses habitudes chez les Épantchine et que ceux-ci le reçussent même avec une cordialité plus marquée qu’auparavant. Il se rendit à la demeure du prince le lendemain du jour où Élisabeth Prokofievna et sa famille quittèrent Pavlovsk. En entrant, il savait déjà tous les bruits qui couraient dans le public, peut-être même avait-il contribué, en partie, à les répandre. Le prince fut enchanté de le voir et tout de suite s’informa des Épantchine. Cette entrée en matière franche et naïve mit Eugène Pavlovitch fort à son aise, et il alla droit au fait.

Le prince ignorait encore le départ des Épantchine ; cette nouvelle l’impressionna, il pâlit, mais au bout d’un instant il secoua la tête d’un air pensif et reconnut que « cela devait être » ; puis il se hâta de demander où ils étaient allés.

Pendant ce temps, Eugène Pavlovitch l’observait attentivement, étonné de la simplicité et de l’empressement avec lesquels son interlocuteur le questionnait. D’autre part, l’étrange franchise du prince, son trouble, son agitation, son inquiétude, — tout cela frappait aussi le visiteur. Du reste, il satisfit très-complaisamment la curiosité de Muichkine. Il y avait encore bien des choses que celui-ci ne savait pas, et Radomsky était le premier qui lui apportait des nouvelles de la famille Épantchine. Il raconta qu’Aglaé avait été malade et que, pendant trois nuits consécutives, une fièvre violente l’avait empêchée de dormir : à présent elle allait mieux, tout danger avait disparu, mais elle était dans un état nerveux, hystérique…. « C’est encore heureux que la paix règne dans la maison ! Aussi bien entre eux qu’en présence d’Aglaé, ils évitent autant que possible toute allusion au passé. Le père et la mère ont déjà agité ensemble la question d’un voyage à l’étranger : on partirait en automne, aussitôt après le mariage d’Adélaïde ; Aglaé a silencieuse-