filé nous ne savons où. Seule Viéra passa encore un certain temps dans la villa pour rendre aux chambres leur aspect accoutumé. Avant de s’en aller, elle entra pour un instant dans la pièce où se trouvait le prince. Accoudé contre une table, il avait la tête cachée dans ses mains. Elle s’approcha sans bruit et lui toucha l’épaule. Il la regarda d’un air étonné et, pendant près d’une minute, parut chercher dans ses souvenirs, mais, lorsque la mémoire lui fut revenue, il manifesta soudain une agitation extraordinaire. En fin de compte, le prince pria instamment Viéra de venir cogner à sa porte le lendemain à sept heures, parce qu’il devait aller à Pétersbourg par le premier train. La jeune fille lui promit de l’éveiller. Alors il la supplia de ne parler de cela à personne, ce qu’elle lui promit aussi. Au moment où elle ouvrait la porte pour sortir, il la retint encore une fois, lui prit les mains, les baisa, puis l’embrassa sur le front en lui disant avec une expression singulière : « À demain ! » Voilà, du moins, ce que Viéra a raconté plus tard. Elle se retira en proie à une cruelle inquiétude. Le lendemain matin, selon sa promesse, elle alla frapper à la porte du prince et l’avertit que le train pour Pétersbourg partait dans un quart d’heure. La bonne mine et l’air souriant de Muichkine, lorsqu’il ouvrit à la jeune fille, la tranquillisèrent un peu. À peine s’il s’était déshabillé pour se coucher, cependant il avait dormi. Il comptait revenir le même jour à Pavlovsk. Viéra fut donc la seule personne à qui le prince crut devoir et pouvoir confier son projet d’aller à la ville.
XI
Une heure après, il était à Pétersbourg ; entre neuf et dix heures il sonnait chez Rogojine. Il était monté par l’escalier d’honneur ; pendant longtemps on parut n’avoir pas entendu