Aller au contenu

Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 2.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

II

Le prince s’approcha tout à coup de Radomsky.

— Eugène Pavlitch, dit-il avec une chaleur étrange en lui saisissant la main, — soyez sûr que je vous considère, malgré tout, comme l’homme le plus noble et le meilleur ; soyez-en persuadé…

L’étonnement d’Eugène Pavlovitch fut tel qu’il recula d’un pas. Durant un instant il lutta contre une violente envie de rire, mais, en examinant mieux le prince, il remarqua que celui-ci ne paraissait pas avoir conscience de ses actes, ou, du moins, se trouvait dans un état particulier.

— Je parie, prince, s’écria-t-il, — que vous ne vouliez pas du tout me dire cela, ni même peut-être m’adresser la parole… Mais qu’avez-vous ? Ne vous sentez-vous pas mal ?

— Peut-être, c’est fort possible, et vous avez très-finement observé que je ne voulais peut-être pas vous parler !

En prononçant ces mots, le prince avait sur les lèvres un sourire étrange et même ridicule, mais soudain il poursuivit avec véhémence :

— Ne me rappelez pas la conduite que j’ai tenue avant-hier ! J’en suis profondément honteux… Je sais que je suis coupable…

— Mais… mais quel crime si affreux avez-vous donc commis ?

— Je vois que vous en êtes peut-être plus honteux pour moi que personne, Eugène Pavlovitch ; vous rougissez, c’est la marque d’un excellent cœur. Je vais partir tout de suite, soyez-en sûr.

— Mais qu’est-ce qu’il a ? C’est ainsi que commencent ses accès, n’est-ce pas ? demanda à Kolia la générale effrayée.

— Ne faites pas attention, Élisabeth Prokofievna, je n’ai