Page:Dostoïevski - La logeuse, suivi de deux histoires (2e édition), 1920.djvu/95

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le jardin. Il me prit dans ses bras puissants et sauta avec moi par la fenêtre… Nous nous mîmes à courir. Nous courûmes longtemps. Nous apercevions une forêt épaisse et sombre… Il tendit l’oreille : « On nous poursuit, Catherine, on nous poursuit ! On nous poursuit, ma belle, mais ce n’est pas le moment de se rendre ! Embrasse-moi pour l’amour et le bonheur éternels ! » « Pourquoi tes mains ont-elles du sang ? » « Du sang, ma chérie ? Mais c’est parce que j’ai tué vos chiens qui aboyaient. Partons ! » De nouveau nous nous mîmes à courir. Tout d’un coup, nous voyons dans le chemin le cheval de mon père. Il avait arraché son licol et s’était enfui de l’écurie, pour se sauver des flammes. « Monte avec moi, Catherine, Dieu nous a envoyé du secours ! » Je me taisais. « Est-ce que tu ne veux pas ? Je ne suis ni un païen, ni un diable, je ferai le signe de la croix, si tu veux. » Il se signa. Je m’assis sur le cheval et, me serrant contre lui, je m’oubliai sur sa poitrine, comme dans un rêve… Quand je revins à moi, nous étions près d’un fleuve, large, large… Il me descendit de cheval, descendit lui-même et alla vers les roseaux. Il avait caché là son bateau. « Adieu donc, mon brave cheval, va chercher un nouveau maître ; les anciens t’ont quitté ! » Je me jetai sur le cheval de mon