Page:Dostoïevski - Le Double, 1919.djvu/87

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que je ne suis pas malade… ? Mais quoi… ! Qu’il envoie prendre des renseignements… Quoi donc… J’ai mal dans le dos, je tousse, je suis enrhumé… Enfin, je ne peux pas sortir… je ne peux vraiment pas sortir par un temps pareil. Je pourrais tomber malade… et puis mourir… aujourd’hui surtout que la mortalité est si élevée… »

C’est ainsi que M. Goliadkine apaisa sa conscience et par avance se justifia du blâme d’André Philippovitch pour sa négligence dans le service. Ce n’était pas la première fois qu’il trouvait ainsi d’irréfutables motifs pour calmer de semblables scrupules. Aussi sa conscience se rasséréna complètement… M. Goliadkine prit sa pipe…

Aussitôt qu’il l’eut allumée, d’un bond il se leva du divan, se rasa, s’ajusta, mit son uniforme, prit quelques papiers et courut à son bureau…

Il y entra timidement, dans l’attente inquiète d’un événement très mauvais, attente inconsciente et vague, mais néanmoins très désagréable. Il s’assit timidement à sa place habituelle, près du chef de bureau, Anton Antonovitch Sietotchtkine. Sans un regard de distraction, il se mit à lire les papiers qui étaient devant lui. Il avait résolu, il s’était juré, d’éviter toute provocation qui pût le compromettre, toutes questions indiscrètes, toute plaisanterie, toute allu-