un frère et une sœur, les enfants du général dont elle est la pupille. Ces enfants sont abandonnés par ce fou et ne manqueront pas d’être exploités.
— Oui, oui, c’est cela. Abandonner les enfants, c’est les perdre ; rester, c’est veiller à leurs intérêts, et sauver peut-être une partie de leur fortune. Oui, oui ; mais tout de même… Oh ! je comprends maintenant qu’ils s’intéressent tous à la santé de la babouschka.
— De qui parlez-vous ?
— De cette vieille sorcière de Moscou qui se meurt. On attend impatiemment une dépêche annonçant que c’est chose faite, que la vieille est morte.
— En effet, tout l’intérêt se concentre sur elle. Tout gît dans l’héritage. Aussitôt que le testament sera ouvert, le général se mariera, miss Paulina sera libre et de Grillet…
— Eh bien ! de Grillet ?
— On lui payera tout ce qu’on lui doit, et il ne reste ici que pour être payé.
— Seulement pour être payé ? Vous pensez ?
— Je ne sais rien de plus.
— Eh bien ! moi, j’en sais davantage ! Il attend aussi sa part de l’héritage, car alors Paulina aura une dot et se jettera aussitôt à son cou. Toutes les femmes sont ainsi ; les plus orgueilleuses deviennent les plus viles esclaves. Paulina n’est capable que d’aimer passionnément ; voilà mon opinion sur elle. Regardez-la, quand elle est seule, plongée dans ses pensées. Il y a en elle quelque chose de fatal, d’irrémédiable, de maudit. Elle est capable de tous les excès de la passion… Elle… elle… Mais qui m’appelle ? m’écriai-je tout à coup. Qui est-ce qui crie ? J’ai entendu crier en russe : Alexeï Ivanovitch ! Une voix de femme, entendez-vous ? Entendez-vous ?
En ce moment, nous approchions de l’hôtel. Nous avions quitté le café depuis longtemps sans nous en apercevoir.