Page:Dostoïevski - Le Joueur - Les Nuits Blanches, trad. Kaminski, ed. Plon, 1925.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
68
le joueur

— Oh ! pas d’embrassades ! Tous les enfants ont la morve au nez ! Et toi, Fédossia, que deviens-tu ?

— Mais je suis très heureuse ici, ma petite mère Antonida Vassilievna, répondit Fédossia. Comme nous étions affligés de votre maladie !

— Oui, je sais, tu es une âme naïve et bonne, toi. Et tout ça, reprit-elle en s’adressant à Paulina, ce sont des hôtes ? Ce vilain petit monsieur à lunettes, qui est-ce ?

— Le prince Nilsky, souffla Paulina à l’oreille de la babouschka.

— Ah ! un Russe ? Je pensais qu’il ne me comprendrait pas. Il ne m’aura pas entendue. Eh ! toi, continua-t-elle en parlant au général, es-tu toujours fâché ?

— Comment donc, chère tante, se hâta de répondre le général tout joyeux. Je comprends si bien qu’à votre âge…

— Cette vieille est en enfance, dit tout bas de Grillet.

— Veux-tu me donner Alexis Ivanovitch ? continua-t-elle.

— Volontiers. Et moi-même, et Paulina, et M. de Grillet, nous sommes tous à vos ordres…

— Mais, madame, ce sera un plaisir, dit de Grillet avec un sourire aimable.

— Un plaisir ? Tu es ridicule, mon petit père… D’ailleurs, dit-elle brusquement au général, ne compte pas que je te donne de l’argent… Et maintenant, portez-moi chez moi, et puis nous ressortirons.

On souleva de nouveau la babouschka, et tous descendirent derrière le fauteuil. Le général marchait comme un homme assommé. De Grillet méditait. Mlle  Blanche fit d’abord mine de rester, puis se joignit au groupe. Le prince suivit. Il ne resta dans l’appartement du général que l’Allemand et Mme  de Comminges.