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le joueur


X


Aux eaux, les maîtres d’hôtel, quand ils assignent un appartement aux voyageurs, se fondent bien moins sur le désir de ceux-ci que sur leur propre appréciation, et il faut remarquer qu’ils se trompent rarement. L’appartement de la babouschka était d’un luxe vraiment excessif. Quatre magnifiques salons, une chambre de bain, deux chambres pour les domestiques, une autre pour la dame de compagnie. On fit voir à la babouschka toutes ces chambres, qu’elle examina sévèrement.

On avait inscrit sur le livre de l’hôtel : « Madame la générale princesse de Tarassevitcheva. »

De temps en temps, la babouschka se faisait arrêter, indiquait quelque meuble qui lui déplaisait et posait des questions inattendues au maître d’hôtel qui commençait à perdre contenance. Par exemple, elle s’arrêtait devant un tableau, une médiocre copie de quelque célèbre composition mythologique, et disait :

— De qui, ce portrait ?

Le maître d’hôtel répondait que ce devait être celui d’une certaine comtesse.

— Comment ? De qui ? Pourquoi ne le sais-tu pas ? Et pourquoi louche-t-elle ?

Le maître d’hôtel ne savait que dire.

— Sot ! dit la babouschka en russe.

Enfin, la babouschka concentra toute son attention sur le lit de sa chambre à coucher.

— C’est bien, dit-elle, c’est riche. Faites donc voir.

On défit un peu le lit.

— Davantage. Ôtez les oreillers, soulevez les matelas.

La babouschka examina tout attentivement.

— Pas de punaises ? Bien ! Enlevez tout le linge, et