Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/51

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alors, il se pourrait bien que l’homme cessât de désirer ; il est même sur qu’il cesserait. Quel agrément de désirer par ordre ? Et puis, pourquoi l’homme devrait-il se transformer en anche d’orgue ou quelque chose d’approchant ? Car l’homme, sans désirs, sans volonté, sans aspirations, serait-il autre chose qu’une anche au bout d’un tuyau d’orgue ? Qu’en pensez-vous ? Calculons les probabilités : cela peut-il être ou non ?

« Hum !… — faites-vous — nos désirs sont pour la plupart erronés par suite de l’idée erronée que nous nous faisons de nos intérêts ? C’est pour cela qu’il nous arrive de désirer des choses absurdes parce que nous voyons dans cette absurdité, étant donnée notre bêtise, le chemin le plus facile pour atteindre un de ces avantages que nous nous sommes fixés pour but. Eh bien, quand tout sera expliqué et calculé sur le papier (ce qui est très possible, parce qu’il est abominable et insensé de croire d’avance que l’homme ne connaîtra jamais certaines lois de la nature), alors, certainement, ce qu’on appelle désirs n’existera plus. Si jamais le désir vient en contact avec la raison, alors nous allons raisonner, et non pas désirer, car, en conservant la raison, il est impossible de désirer des choses absurdes, d’aller sciemment contre la raison, de se souhaiter du mal. Mais puisque tous les désirs et tous les raisonnements peuvent être calculés réellement. parce que l’on découvrira un jour les lois de